Du talent, des innovations et du beau temps: Bienvenue dans l'Arizona Fall League

En pleine période de lockout, je reviens sur un événement annuel qui était de retour cette saison, après une absence 2020 liée au Covid.
Alors que les "grands" se battaient pour le Graal, les jeunes pousses, pour certaines proches du niveau supérieur, se rassemblaient au sein des six équipes de l'Arizona Fall League, une compétition dont la fin marque celle du baseball "labélisée" MLB, sur les terrains, jusqu'au Spring Training suivant. Ainsi va la vie du baseball professionnel américain.
Tout ceci est bien beau, mais à quoi donc sert cette ligue concrètement? Qu'en tirent les joueurs, dirigeants, ainsi que les Majeures? Eh bien faisons un petit tour du proprio, dans l'Arizona...
La petite histoire
Des Ligues "offseason" il y en a toujours eu. Après avoir fini l'été et entamé l'automne dans les Majeures, nombre de joueurs à travers l'Histoire s'en allaient plus au sud, afin de continuer à jouer, y trouvant rémunération complémentaire et météo clémente, en Amérique centrale notamment. Le baseball est arrivé à Cuba en 1864, au Mexique 24 ans plus tard, avant d'atteindre d'autres contrées telles que le Nicaragua ou encore plus au Sud encore avec le Vénézuela. Et que dire de la République Dominicaine, pays qui a vu le baseball arriver en son sein en même temps que des réfugiés de la Guerre de 10 ans.
Un exemple nous vient rapidement en tête afin d'illustrer tout ça, et je pense que les férus de baseball "historique" me voient arriver avec mes grands sabots: je parle bien évidemment de la tournée de Babe Ruth, avec les New York Giants, à Cuba, lors des American Series de 1920. Et pour ceux qui pensent voir une énormité, oui "Le Babe" a joué avec les Giants, mais cette "infidélité" n'était qu'une parenthèse afin de participer à ces séries d'exhibition. Pour la petite histoire dans la petite histoire, il portera à nouveau le maillot des Giants lors du charity game de 1923 contre les Orioles, avec le fameux cliché aux côtés de John McGraw. Ce cliché qui aura certainement rappelé à McGraw le fait de n'être pas passé loin d'obtenir les droits du jeune Babe une décennie auparavant.
D'autres grands noms ont donc participé à des matchs de fin d'automne ou de début d'hiver, et au-delà de ses ligues, beaucoup d'équipes choisissaient l'exil pour ces contrées lors de leur spring training.

Vous vous dites certainement "mais où nous emmène-t-il avec tout ça? Il était censé nous parler de l'AFL non?"
Eh bien faisons un bond en avant dans le temps. Nous voici désormais en 1992, et la ligue pense depuis des années à ses talents de demain, et à comment surveiller leur progression alors qu'ils s'en vont jouer dans les ligues d'Amérique Centrale, caribéennes ou du Sud? En créant une ligue de fin d'automne permettant à chaque franchise d'y envoyer certains de ses joueurs les plus prometteurs peut-être? Bingo!
L'Arizona Fall League tient donc sa première saison en 1992, avec un principe inamovible: 6 équipes mixtes dans leur composition, 2 divisions et un match servant de finale afin de désigner le vainqueur de ce championnat.
"Qu'entend-il par équipes mixtes?"
Oui, comme vous l'avez lu, il y a 6 équipes. Hors il y a 30 équipes en MLB. Cela signifie, vous l'avez compris, que chacune des 6 équipes va recevoir des joueurs de 5 équipes MLB différentes afin de composer son roster. En d'autres termes, une équipe AFL est affiliée à 5 franchises MLB en quelque sorte.
De Derek Jeter à Ronald Acuna Jr, en passant par Mike Piazza, David Wright (je ne vais pas citer que des joueurs passés par les Mets ne vous inquiétez pas), ou encore Michael Jordan pour la petite assist à nos amis de la NBA, nombre de figures contemporaines de ce sport ont fait leur passage en AFL. Il y a d'ailleurs, depuis 2001 un Hall of Fame de l'AFL, et, vous vous en doutez, du beau monde y a été intronisé!

Cette année encore nous avons pu voir de potentielles futures stars des Majeures en action. Je vous en parlerai plus du côté des amis de The Strikeout, donc restez à l'affût!
...Le contexte ayant été posé, parlons rapidement de cette édition 2021!
Des absents, des tests et une belle fête
Certains insiders avaient prévenu, après une année 2020 compliquée dans le monde entier, cette cuvée 2021 risquait d'être délestée de pas mal de talent, notamment du côté des lanceurs. Malheureusement côté frappeur, nous n'avons pas pu avoir l'attraction attendue de cette édition, Spencer Torkelson, assez longtemps: alors qu'il frappait à .450 de moyenne, avec un OPS de 1.157 en sept matchs, une glissade mal maitrisée vers une troisième base durement acquise a précipité l'arrêt prématuré de sa saison AFL. Son compère dans le Farm system de Detroit, Riley Greene, n'est pas venu de son côté.
Cela n'a pas empêché de voir du talent à l'oeuvre, dans des rencontres où l'autre attrait étaient les règles et dispositifs mis en place.
On le sait, du côté du commisioner et des dirigeants, il y a une envie, un besoin, une idée directrice: garder de l'audience, notamment chez les jeunes, en tentant par tous les moyens de raccourcir les matchs, de les rendre plus attrayants, etc...
L'Arizona Fall League étant une ligue de la MLB, elle peut se permettre d'y faire des "expériences", des expérimentations grandeur nature, tout comme ce que l'on peut voir lors des saisons régulières de certaines ligues dans les mineures.
Pour diminuer la latence entre la fin d'un jeu et le lancer suivant, une horloge de 15 secondes a été mise en place. Autre aide technologique, la reconduction de la zone de strike automatique*, qui permet d'assister l'arbitre dans la prise de décision concernant une prise ou une balle. Cette règle avait déjà été testée en 2019.
Dans un soucis de gain de temps, face à une habitude tactique que l'on peut voir en baseball, la limitation des tentatives de pickoff, c'est à dire le lancer du lanceur ou receveur vers une des bases où un attaquant se trouve afin d'essayer de le retirer ou tout simplement dans une optique de le perturber dans sa préparation de vol de base, a été décidé à deux tentatives.
Une autre règle a été mise en place afin de limiter les libertés prises lors des positionements défensifs, en exigeant la présence de deux joueurs de champ intérieur de chaque côté de la deuxième base, sur la partie terreuse. On comprend par là une volonté de limiter les shifts défensifs.
Enfin on peut toucher un mot sur l'agrandissment des bases, règle testée dans un soucis de réduire les incidents et les blessures via collision entre joueurs.
Mais surtout, la grande star des tests aura été la mise en place des balles "pré-collantes" en cours de saison AFL. On peut se rappeler que l'une des affaires qui a secoué la MLB cette saison aura été les fameuses aides utilisées par les pitchers pour l'adhérence de la balle. Ceci était vite monté en épingle suite aux performances exceptionnelles de certains pitchers l'étant peut-être un peu moins (avec tout le respect dû), mais surtout au nombre incroyable de no-hitters et à la faible moyenne au bâton constatée en début de saison. Une réglementation a été mise en place en cours de saison avec la vérification de l'arbitre du gant des lanceurs, et tout lanceur attrapé se voyait alors sanctionner de 10 jours de suspension.
Le test s'est donc déroulé en deux temps: une première partie de saison dans l'Arizona Fall League avec des balles standards, sans adhérence appliquée. Puis une seconde partie avec le remplacement de ses balles par des balles collantes, avec une substance appliquée en amont. Tout ceci a eu pour but de tester les différences dans les performances, dans les sensations que pouvaient éprouver les lanceurs, et ce afin de standardiser une balle plus à même de contenter nos lanceurs préférés, sans avoir à utiliser une substance étrangère par la suite.
"Bon et le jeu dans tout ça?"

Eh bien le jeu aura été présent avec des performances de nos jeunes talents, malgré une saison plus courte que d'accoutumée (aux alentours de 30 matchs par équipe "seulement" cette saison). Si les Mesa Solar Sox de Nelson Velazquez (Chicago Cubs), MVP de la ligue, et JJ Bleday (Miami Marlins) ont remporté la division Est avec un écart confortable, la bataille a fait rage du côté de la division Ouest, avec un final au match près, puisque les Surprise Saguaros sont passés au détriment des Peoria Javelinas (même bilan) ainsi que des Glendale Desert Dogs (une défaite de plus) au prix d'une dernière victoire face à ces derniers. L'équipe d'Austin Wells (New York Yankees) et surtout le lanceur star de cette édition, Owen White (Texas Rangers) s'est donc dressée face aux Solar Sox.
Petite apparté:
Tous ces joueurs ont participé au Falls Star Game, match voyant l'Est l'emporter 6-5 face à l'Ouest, avec un JJ Bleday MVP de ce match, avant de se retrouver donc une semaine plus tard, pour la finale de l'AFL.
Cette finale promettait, entre de belles équipes offensives. Mais finalement les Mesa Solar Sox n'ont fait qu'une bouchée des Surprise Saguaros, l'emportant 6-0, derrière une grosse performance du lanceur partant, Caleb Kilian (Chicago Cubs, récupéré lors du trade d'un certain Kris Bryant), auteur de 8 retraits, sans subir de coup sûr, durant 6 manches.
Les prospects des A's, Blue Jays, Cubs, Marlins et Orioles présents pouvaient enfin exultés, après un mois de combat...
Au-delà des matchs et des résultats, l'objectif était avant tout pour ces jeunes joueurs de montrer de quoi ils sont capable, et surtout où ils en sont par rapport à la possibilité d'intégrer l'effectif des "grands". Malheureusement, pour le spectateur, la ligue est avant tout une belle prolongation de baseball pour Phoenix et ses alentours. Sinon, à part le Fall Stars Game ainsi que le Championship game, impossible de suivre le reste de cette AFL à la télé.

Chaque joueur présent lors de cette AFL est un potentiel vainqueur. Que ce soit par le farm system dans lequel ils sont affiliés, ou via la rule 5 draft, ils vont pouvoir avancer de manière plus claire vers leur objectif: Intégrer les majeures!
En moyenne depuis le début de cette ligue en 1992, 60% des joueurs présents en AFL ont atteint la MLB. Certains sont Hall of Famers, beaucoup ont participé aux MLB all star games, ont été MVP, Cy Young... Tout ceci pour conclure sur le fait que l'Arizona Fall League est un moment incontournable du calendrier professionnel du baseball américain, en plus d'une alternative contrôlée aux autres ligues se déroulant chez les voisins durant cette période de pause annuelle au pays de Babe Ruth.